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et nos Sacré-Coeur ou nos Ursulines. La noblesse est si bien réduite à n’être qu’un nom et qu’un souvenir, que les derniers représentants de ce néant ne peuvent même plus faire élever leurs filles en filles nobles. Dans les couvents les plus « aristocratiques », les petites bourgeoises sont en majorité. L’éducation n’y développe plus la volonté ni l’énergie morale. L’instruction y est absolument démocratique. La danse et le clavecin ont cédé le pas aux choses « sérieuses ». Le couvent, même au faubourg Saint-Germain, ne fait plus que des filles à diplômes, des institutrices, et tantôt des niaises, tantôt des corrompues.

Dès lors plus de grandes dames, du moins au sens entier du mot. Les conditions manquent, et la culture spéciale. On m’assure que les descendantes de celles d’autrefois ne se distinguent guère plus des riches bourgeoises. Que dis-je ? C’est peut-être telle bourgeoise affinée qui nous donnera le mieux aujourd’hui l’idée de la grande dame. Il n’y a plus qu’une aristocratie intellectuelle.

L’aristocratie du sang (avec tout l’ordre social qu’elle impliquait) était assurément plus décorative, produisait des individus plus remarquables, de plus beaux spécimens de l’animal humain, et permettait à un petit nombre une vie plus noble et plus brillante. Le développement de la démocratie est peut-être incompatible avec la beauté du monde considéré comme un spectacle pour l’artiste et pour le curieux. Prenons-en notre parti ; faisons ce sacrifice à l’idée de justice.