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belle, vingt ans, prononce ses voeux. Au moment où on lui coupe ses longs cheveux blonds, toutes les pensionnaires disent : « Quel dommage ! » Après le vœu d’obéissance, quand elle en vient au vœu de chasteté, elle s’arrête, et alors les petites coquines, qui pleuraient jusque-là, étouffent une grosse envie de rire. La pauvre victime « jeta les yeux de tous côtés pour voir s’il ne lui viendrait aucun secours. La maîtresse s’approcha, lui disant : « Allons, du courage, mon enfant, achevez votre sacrifice ! » Elle fit un profond soupir en disant : « de chasteté et de clôture perpétuelles », et en même temps elle laissa tomber sa tête sur les genoux de madame l’abbesse. On vit qu’elle s’évanouissait, et on la mena à la sacristie. »

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Il a donc ses drames, ce joyeux couvent, où sans doute la moitié des religieuses ont à peu près autant de vocation que Mlle de Rastignac. Et parmi ses légendes, il a celle de Madame d’Orléans, une néronienne. On ne nettoie que deux fois par an l’appartement de cette ancienne abbesse, fille du Régent. Un jour, une religieuse y a trouvé des traces de sang et une odeur de soufre. Les petites pensionnaires se racontent à l’oreille, avec terreur, et peut-être avec une secrète admiration scandalisée, que Madame d’Orléans faisait fouetter les soeurs jusqu’au sang, que parfois elle se mettait toute nue et faisait venir des religieuses pour l’admirer, « car elle était la plus