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terribles entre les rouges et les bleues, les grandes battant les petites comme plâtre quand elles les rencontrent dans les coins, et les petites déchirant et jetant dans le puits les livres et les cahiers des grandes. Un jour, pour une maîtresse qui déplaît, toutes les pensionnaires, sauf quelques timides, se révoltent, s’emparent des cuisines, y campent deux jours et une nuit, et envoient des parlementaires faire leurs conditions à Mme de Rochechouart. Et celle-ci, grande dame, indulgente aux fiertés et aux violences et qui a, comme les petites révoltées, du sang des vieux barons féodaux sous ses habits de servante du Christ, répond sèchement à une pensionnaire qui n’avait pas été de la conspiration et qui s’en vantait : « Je vous en fais mon compliment. »

Toutes ces petites féodales sont aussi des gauloises. Elles font, sur la sœur Saint-Jérôme et sur son confesseur dom Rigoley, qui avaient tous deux la peau fort noire, cette plaisanterie que « si on les mariait ensemble, il en viendrait des taupes et des négrillons ». Elles ont, par un soupirail, des conversations avec un marmiton d’un hôtel voisin, qui leur joue de la flûte et qui les appelle par leurs noms : « Hé ! d’Aumont ! Choiseul ! Mortemart ! » Et elles s’échappent en espiègleries énormes, comme de mettre de l’encre dans le bénitier, en sorte que les religieuses s’en barbouillent en venant chanter l’office de nuit. Ce qui fit dire à Mme de Rochechouart que certes « le trait était noir ».