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facile à rédiger. Essayerons-nous ? En voici un que je vous donne pour ce qu’il vaut et qui, d’ailleurs, n’est pas original (mais un credo ne doit pas être original).

— Je crois que l’humanité marche — quoique très lentement, avec des arrêts et des retours — vers un état meilleur où la justice sera moins incomplètement réalisée, la souffrance moindre, la vérité mieux connue, et, si vous le voulez, vers un idéal. Cet idéal, dont l’accomplissement est la raison d’être de l’univers, je ne sais s’il réside dans l’intelligence d’un Dieu, ou s’il se forme peu à peu dans le cerveau des êtres supérieurs. Je crois que tous les hommes sont réellement solidaires ; je crois aussi (ceci est de Pascal) que nous aimons les autres (ou d’autres que nous) aussi « naturellement » que nous nous aimons nous-même ; et que, de cette vérité sentie et de cet instinct développé peut découler toute une morale. Je crois que notre intérêt et notre plaisir, c’est d’aimer autre chose que nous, de travailler pour ceux que nous aimons et, par delà, en vue de la communauté tout entière.

Je crois que la morale est tantôt l’amour et tantôt l’acceptation des liens parfois délicieux et parfois gênants qui nous enchaînent, soit par le cœur, soit par un intérêt supérieur où le nôtre se confond, à d’autres que nous et aux groupes de plus en plus larges dont nous faisons partie. Je crois que cette morale, dans le détail de ses prescriptions, doit