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nus », dit Balzac dans un sentiment assez semblable. Et ni Bossuet, ni Balzac, ni Musset ne furent des dilettantes…

Il y a dans le dilettantisme un désir de tout comprendre, et un don de souple sympathie — avec une arrière-pensée de reprise, dans la crainte d’être dupe. Il est donc fait en même temps d’imagination sympathique — et de défiance intellectuelle… et ainsi, il peut être la pire chose ou la meilleure : tout dépend du dosage des deux éléments qui le composent, et ce dosage dépend lui-même du tempérament de celui qui le pratique… Je suis persuadé, pour moi, qu’un dilettante sec est un homme qui aurait été plus sec encore s’il n’avait pas été dilettante.

Le dilettantisme commence par être un plaisir et, quand il devient ensuite une cause de souffrance, il porte en lui-même son remède. Pour revenir au cas de M. Rod, le dilettantisme ne l’a pas empêché de se marier par amour, et il lui a sans doute servi à jouir plus délicatement de cette bonne fortune. Et, si le dilettantisme a d’abord retardé en lui l’éclosion de l’amour paternel, ce n’a été que pour le faire ensuite plus réfléchi, plus fort et plus tendre. Car le dilettantisme (Dieu ! que ce mot m’agace !) est comme l’éprouvette de nos sentiments : il n’y a que les plus profonds et les moins artificiels qui y résistent. C’est le dilettantisme qui a permis à M. Rod de s’intéresser à toutes les conceptions de la vie, même les plus