Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

… Et la description de toutes ces joies sonne comme un glas !

Sa compagne devient grosse… Je connais des gens qui, s’ils avaient une femme et si cela lui arrivait, auraient la candeur de s’en réjouir. Mais il est, lui, profondément désolé, parce que cela va le déranger dans ses habitudes et parce qu’il n’aura plus sa femme à lui tout seul…

L’enfant vient au monde. Les couches ont été un peu laborieuses, mais en somme tout a bien marché. Or, quand la vieille bonne lui présente sa petite fille en lui disant : « Embrassez-la, Monsieur ! » il se détourne avec horreur ; et quand la brave femme fait la même tentative auprès de l’accouchée, celle-ci « répond par un geste de suprême lassitude et se détourne ». Le père souffre parce que cette petite fille, qui n’avait pas demandé à vivre, est sans doute vouée, comme lui, à la douleur. Il souffre d’avoir à déclarer l’enfant à la mairie ; il trouve aux employés des airs d’inquisiteurs( !). « Jamais je n’ai senti plus vivement l’odieux et le ridicule de l’ordre civil, etc. » Enfin, quoi ! il souffre parce qu’il veut souffrir. Mais, s’il veut souffrir, c’est donc que cela l’amuse ; et, si cela l’amuse, à qui en a-t-il ?

L’enfant tombe malade. Pendant dix jours le père et la mère sont en proie à d’horribles angoisses. Voilà donc enfin une vraie souffrance, la première ! Mais l’enfant guérit. (Je vous dis que ces gens-là ont toutes les veines !) Aux inquiétudes qu’il a senties