Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas des surprises, s’ils ne vont point faire l’un chez l’autre des découvertes fâcheuses. Mais cette inquiétude est vite dissipée. Non seulement ils s’adorent, mais ils se comprennent, ils ne s’ennuient pas un moment ensemble. Ils vont en Italie, puis vivent quelques mois dans une maisonnette au bord de la Méditerranée. Leur lune de miel est exquise : il en fait lui-même l’aveu… — Et je me dis, presque avec colère : « Est-ce qu’il croit qu’un pareil bonheur est chose commune ? Est-ce qu’il croit que tout le monde l’a eu ? Est-ce que cela ne le met pas, du coup, au rang des plus rares privilégiés de la vie ? De quoi se plaint-il ? Et comment, après cette divine aubaine, a-t-il eu le front d’écrire son livre ? »

Il est inquiet en songeant que ce bonheur ne sera pas éternel ; que, peut-être, quand il sera de retour à Paris, il regrettera sa vie de garçon et que la grande ville le disputera à sa femme.

Ils y reviennent, à Paris, et l’épreuve tourne au mieux. Ils habitent une jolie maison, à Auteuil. Il vit comme un coq en pâte. Il sent autour de lui une affection fidèle et réchauffante… Un jour, il rencontre un de ses compagnons d’autrefois ; il s’applique à revivre, tout un soir, sa vie de bohème et de noctambule : mais cela ne lui dit plus rien, et il rentre avec joie dans son élégant foyer… Notez que nulle part il n’est question d’embarras ni de soucis d’argent, et que sa femme et lui ont l’air de se porter comme des charmes.