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de la montagne, glisse avec assoupissement et musique, parmi l’universelle vallée. Le romarin salue la tombe, le lis flotte sur la vague… »

La poésie de Poe est pareille à ce paysage. C’est de la vapeur opiacée.

J’ai aimé certains passages qui me rappelaient des vers — plus arrêtés et plus nets — de nos poètes à nous, de Baudelaire très souvent, quelquefois de Sully Prudhomme.

«… Et toi, fantôme, parmi le sépulcre des arbres, tu glissas au loin. Tes yeux seulement demeurèrent, ils ne voulurent pas partir ; — ils ne sont jamais partis encore. »

Ainsi le poète de la Vie intérieure :

  Ô morte mal ensevelie,
  Ils ne t’ont pas fermé les yeux.

De même encore le poème intitulé Pour Annie exprime à peu près le même état d’âme crépusculaire et délicieux que l’adorable pièce du Rendez-vous dans les Vaines tendresses. Et alors j’ai relu le Rendez-vous, et je l’ai préféré. Je suis beaucoup trop de mon pays ; mais qu’y faire ?