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— Qu’est-ce que cela veut dire ? me demanderez-vous.

Je répondrai :

— M. Stéphane Mallarmé est un homme original et doux. Il a de l’esprit. Sa conversation se distingue par un tour imprévu et charmant ; il y emploie du reste les mêmes mots que tout le monde, et dans le même sens, ou à peu près. Dès qu’il écrit, c’est autre chose… Pourtant il a commencé par faire des vers très beaux et, malgré quelques singularités, très intelligibles (sans quoi, je n’aurais pas osé dire « très beaux », car je ne me moque jamais des gens). Ces vers vous les trouverez dans le Parnasse contemporain, dans les Poètes maudits de Paul Verlaine (la Fenêtre, Placet, Automne, etc., surtout le Guignon, qui est, à fort peu de chose près, un chef-d’œuvre). Depuis, M. Stéphane Mallarmé est devenu décidément ce que M. Catulle Mendès appelle par une exquise litote un « auteur difficile ». Pourtant il a des amis, Mendès tout le premier, Henri Roujon, Wyzewa, qui continuent à l’expliquer couramment. Et alors, me souvenant d’avoir été charmé par ses premiers vers, ce m’est un vrai chagrin de ne pas entendre parfaitement les derniers, et j’ai envie de lui en demander pardon. Au moins voudrais-je savoir au juste pourquoi je ne les comprends pas. — C’est peut-être, direz-vous, que c’est inintelligible. — Mais non, puisqu’ils sont trois qui comprennent, et probablement quatre, en comptant l’auteur. Si donc