Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/55

Cette page n’a pas encore été corrigée

STÉPHANE MALLARMÉ


M. Stéphane Mallarmé a mis en tête de sa traduction des poèmes d’Edgar Poe[1] ce sonnet préliminaire :

LE TOMBEAU D’EDGAR POE

  Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change
  Le Poète suscite avec un glaive nu
  Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu
  Que la Mort triomphait dans cette voix étrange

  Eux comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange
  Donner un sens plus pur aux mots de la tribu
  Proclamèrent très haut le sortilège bu
  Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange

  Du sol et de la nue hostiles ô grief
  Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief
  Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne

  Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur
  Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
  Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur

  1. Les Poèmes d’Edgar Poe, traduction de Stéphane Mallarmé. — Denan, à Bruxelles.