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let, il y a plus de choses sous le ciel, Mercutio, que n’en conçoit votre philosophie. »

Mais d’autre part, c’est ici proprement le domaine des suppositions invérifiables, des chimères et des ombres vaines. Peut-on bien nous proposer pour sujet « d’étude » et « d’analyse », comme fait M. Thierry, des conceptions forcément arbitraires ? N’est-il point dupe d’une assez plaisante illusion ? Ce qu’il rêve, il croit l’observer. Son « enquête sur l’inconnu » n’est qu’une enquête sur l’inconnaissable : ce qui implique contradiction, comme on dit dans l’école. Quoi qu’il fasse, des récits comme la Tresse blonde ne sauraient être que des divertissements d’art d’une horrifique ingéniosité, — rien de plus que Lokis ou la Vénus d’Ill, ce qui est déjà beaucoup.

Et pourtant il y a ici autre chose : un rêve moral édifié sur une hypothèse scientifique. L’accomplissement d’une parole divine (Je châtierai l’iniquité du père sur les enfants) par la loi darwinienne de l’atavisme, voilà la Tresse blonde. C’est donc bien une imagination d’aujourd’hui. D’aujourd’hui ? N’y a-t-il donc point une idée analogue dans l’Orestie d’Eschyle ? N’est-ce point son père assassiné qui « suggère » à Oreste, par la bouche d’Apollon, de tuer sa mère Clytemnestre ? Oreste n’a-t-il point l’aspect et la démarche d’un somnambule ? Est-ce bien lui qui agit ? A-t-il un moment d’hésitation ? Et n’est-il pas, en somme, absous comme irresponsable ?… Cherchons et regardons autour de nous, que de fois nous voyons