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Je ne vous dis là que l’essentiel. Il faut lire le livre, il faut voir la mise en œuvre, avec quel art subtil et sûr toute l’histoire est conduite, et comment, dès les premières pages, M. Gilbert Augustin-Thierry sait nous envelopper de mystère, et, par la notation de détails très simples, mais inquiétants parce qu’on n’en voit pas le pourquoi, créer peu à peu autour de nous comme une atmosphère d’épouvante. J’ai rarement senti avec cette vivacité le désir de savoir ce qui arrivera et le délice d’avoir peur.

C’est comme qui dirait du Mérimée abondant, — et convaincu.

Convaincu, et même un peu solennel. M. Augustin-Thierry nous avertit, dans sa préface, qu’il a prétendu faire « une tentative littéraire nouvelle ». Le vieux roman, le roman d’observation meurt d’épuisement. L’étude de l’homme « doit poursuivre sa recherche beaucoup plus haut que l’homme ». La justice immanente et implacable qui gouverne secrètement l’histoire des familles et de leurs générations successives, le conflit de la personnalité humaine et des fatalités de l’atavisme ; « les responsabilités solidaires » transmises par les pères aux enfants, le problème de la suggestion… tels sont quelques-uns des sujets qui s’offrent aujourd’hui aux méditations et aux divinations de l’« artiste penseur ».

Que les essais de M. Augustin-Thierry soient aussi nouveaux qu’il le croit, c’est ce que je ne puis vous garantir. Mais si sa matière n’est peut-être pas intacte,