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montrent la jeunesse d’aujourd’hui tristement ballottée du naturalisme au dilettantisme. Et, de grâce, ne nous accablez pas tant sous les romans russes. Voilà deux livres, Mademoiselle Jaufre et Jours d’épreuves, qui respirent, je vous assure, l’humanité et la pitié. Et ils ont encore ce mérite d’être écrits, sinon en dehors de toute réminiscence, du moins en dehors de tout préjugé d’école, et avec une loyauté parfaite. Enfin, vous serez surpris — et charmé, je pense, — de la somme de vérité qu’ils contiennent. J’ai souvent affecté de dire, agacé par certaines présomptions ou naïvetés trop fortes, que nous n’avions rien inventé, et je ne m’en dédis pas. Et pourtant j’ai aujourd’hui cette impression qu’à aucune époque de notre littérature il ne s’est trouvé, dans les livres d’écrivains encore jeunes, tant de sérieux, d’intelligence, de sagesse, d’observation curieuse, une science déjà si avancée de la vie et des hommes, et tant de compassion, une vue si sereine et si indulgente de la destinée[1].

  1. Depuis, M. Marcel Prévost a écrit la Confession d’un amant, et M. Paul Margueritte, ce quasi-chef-d’œuvre : la Force des choses.