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gers, le cœur d’André et de Toinette grandit dans ces épreuves ; et, en dépit des malentendus et des dissentiments, leur affection mutuelle s’épure et se fortifie. La paternité consomme la bonté morale d’André ; le sentiment de sa responsabilité soutient son courage ; il oppose à chaque nouvelle trahison de la vie plus de patience et de résignation. Et Toinette aussi devient peu à peu meilleure… Le jour où son mari est renvoyé du ministère, elle sent combien elle aime le pauvre garçon. Elle le sent mieux encore lorsqu’il a la fièvre typhoïde et qu’elle songe à ce qu’elle deviendrait sans lui. Enfin, la vie à la campagne et le soin des enfants achèvent d’apaiser et d’assagir la petite femme ; elle devient plus sérieuse et plus intelligente, elle comprend plus de choses et conçoit mieux son devoir.

Cependant les luttes mesquines de ces tristes années ont développé l’énergie d’André, lui ont donné le goût de l’action. Sa mère lui a légué une ferme en Algérie. Pourquoi n’irait-il pas cultiver sa terre ? « Que faire ici ? dit-il à Toinette. N’es-tu pas lasse de la vie que nous menons ? Veux-tu qu’à soixante ans je sois un vieux scribe hébété ? L’avenir nous attend là-bas. Au moins nous vivrons chez nous, sous un beau ciel. » Et ils partent. Les voici sur le pont :

«… Alors André les embrassa tous du regard, cette famille qu’il avait créée, qui était sienne, dont il était le chef, et qu’il emportait avec lui, à travers les aventures, vers l’avenir.