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que cette réserve coûte rien à la belle franchise de l’observation.)

Une particularité de ce roman, c’est qu’il atteint, par endroits, à l’émotion la plus forte par des séries de notations brèves, précises, un peu sèches même, à la Flaubert. Il est écrit à la fois dans la manière de l’Éducation sentimentale et dans l’esprit du plus « cordial » roman anglais. C’est par de petites phrases exactes, menues, et assez froides quand on les isole, que M. Margueritte nous communique son muet attendrissement et glisse en nous le « désir des larmes ». Cela est très singulier. Mais cela revient peut-être à dire que M. Margueritte a senti profondément les choses avant de les traduire en nets et courts paragraphes.

Il n’est pas commode de faire, d’un tel livre, un résumé qui en donne une idée un peu approchante. Je voudrais abréger les quatre-vingts premières pages, celles où l’auteur nous fait connaître son héros, son caractère indécis et fier, son ennui, son désespoir, sa tentative de suicide… Ce sont là choses connues et qu’il était peu utile de répéter. Mais les deux derniers tiers du livre m’ont lentement pris aux entrailles.

Ce qu’ils racontent est bien simple pourtant. Un jeune homme, de vieille race, mais pauvre, André de Mercy, intelligent, cultivé, très loyal et très bon, petit employé dans un ministère (sa mère ne lui ayant pas permis de se faire soldat), épouse une petite