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aventure et son cruel abandon éveillent en elle, par la douleur, la faculté d’aimer ; comment sa faute même la jette dans les bras de Louiset comme dans son refuge naturel ; comment le courage lui manque pour le détromper, justement parce qu’elle l’aime ; comment le ressouvenir même de sa souillure exaspère cet amour ; sa honte, ses terreurs, ses souffrances, son désespoir en sentant approcher l’instant inévitable où éclatera sa trahison… M. Marcel Prévost a su nous peindre tout cela (ce qui n’était point facile) avec beaucoup de pénétration et de sûreté, une intelligence subtile des mystères du sentiment et un accent de pitié contagieuse. L’histoire de Camille, c’est celle d’un être presque inconscient, proche de la nature, point méchant au fond, transformé, par sa chute même et par l’affreux mensonge où cette chute l’a contraint, en une créature aimante et capable désormais de vivre d’une vie morale. C’est comme qui dirait la révélation, dans une âme primitive, de la loi par le péché…

Une autre partie tout à fait digne d’attention, ce sont les pages qui nous montrent Louiset réfugié à Paris et essayant en vain de haïr celle qui l’a trahi si indignement. Il retrouve une jeune femme, Laurence, une artiste demi-galante, qui l’a aimé autrefois, quand il était étudiant. Il la suit un soir dans son petit hôtel, bien résolu à oublier l’autre. Mais tandis qu’il serre Laurence dans ses bras, ses lèvres, à son insu, prononcent le nom de Camille. Et Lau-