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(avec art, je le sais, et parfois avec poésie) l’idylle des amours enfantines de Louiset et de Camille dans le grand parc abandonné, puis le départ de Louiset, puis l’adolescence paresseuse, inerte, solitaire de la belle Camille chez son père le docteur Jaufre. Je passerai aussi sur des descriptions, faites cent fois, des mœurs de petite ville et sur les conversations des abonnés du cercle de Tonneins. Ce qui me désole, ce qui fait que je n’ouvre presque jamais sans ennui ni défiance les romans qui m’arrivent par paquets, c’est que je suis toujours sûr d’y trouver des parties entières que je connais d’avance, des développements qui peuvent être « de la bonne ouvrage », mais qui sont à tout le monde, qui m’écoeurent parce qu’il me semble que je les aurais moi-même écrits sans effort, et que je voudrais voir réduits à l’essentiel, à des notes brèves et comme mnémotechniques… Dans une littérature aussi vieille que la nôtre, il y a nécessairement des sortes de lieux communs du roman. Et sans doute on ne peut pas toujours les éviter, mais il ne faut jamais s’y étendre…

Et maintenant voici par où le récit de M. Marcel Prévost m’a retenu et intéressé.

Le docteur Jaufre est un philosophe, un original, un esprit systématique. Il a sur les femmes les idées de Schopenhauer. Il les considère comme des êtres inférieurs et charmants, dont la seule mission est de « conspirer aux fins de la nature » et, par l’attrait