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peu d’étoffe (ce que j’ignore), son âme pourrait bien être, dans le monde rétréci où nous vivons, ce que nous avons de plus semblable à l’âme du chimérique Héliogabale ou de Théodora la chercheuse.

Mais non, je la flatte : car, toute-puissante par un côté, la pauvre impératrice a un maître : le public. Là est la limite du néronisme — virtuel, d’ailleurs, ou même purement hypothétique — de Mme Sarah Bernhardt. Il faut que Théodora apprenne ses rôles, il faut qu’elle les répète ; et je vous assure que cela est dur. Un de mes amis, qui est vaudevilliste, m’emmenait l’an dernier à ces répétitions : j’ai admiré le courage et la patience des comédiens, et j’ai compris la grande misère du métier qu’ils font. Quand l’heure est venue, celle pour qui les Suédois ont semé de roses les vagues de la Baltique et sous les pieds de qui les Péruviens étalaient leurs habits et leurs manteaux, doit obéir comme les camarades à l’appel du régisseur. Là est son salut, et ce qui l’empêche de perdre pied. Et cela met tout de même un peu de différence entre elle et le divin Domitius.

Mais, c’est égal, je voudrais bien savoir ce qui se passe sous sa tignasse qui fut noire et qui est rousse. Comment se voit-elle ? Comment le monde lui apparaît-il ? Que sent-elle ? Que pense-t-elle ? Rien, peut-être… Ah ! ma cousine, remercions Dieu, qui nous condamna aux voies communes et ne fit point de nous des phénomènes.

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