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sont de ces choses qui permettent la simplicité et qui donnent à cette simplicité un assez bon air. Puis, on sent bien ici que l’orateur est désintéressé, que son passé et ses moyens le lui permettent ; que, s’il peut avoir de hautes et légitimes ambitions, il n’a point de fringale ; qu’il est à peu près exempt de la tentation de subordonner l’utilité publique à son propre intérêt, et qu’il est donc dans les meilleures conditions pourvoir le vrai et pour le dire… Bref, j’ai connu clairement, en écoutant ces phrases paisibles d’un monsieur tout à fait dépourvu d’emphase, ce que c’est que « l’autorité » chez un orateur.

Une phrase de ce discours m’a frappé entre beaucoup d’autres : « Nous avons une grande nouveauté à vous montrer durant cette législature : des hommes qui sont eux-mêmes, et cette nouveauté seule est peut-être appelée à produire de grands effets. »

Être soi-même ! Avoir son sentiment et son jugement à soi, et non pas le jugement ni le sentiment des autres, professer une opinion parce qu’on l’a, non parce que d’autres l’ont et parce que c’est l’opinion présumée d’une circonscription électorale ou l’opinion affichée d’un groupe parlementaire… Ah ! si nos représentants pouvaient faire cela ! Si chacun d’eux pouvait penser tout, seul et agir selon qu’il a pensé !… Ne dites point qu’il y aurait alors autant d’opinions que de têtes. Il n’y a guère plus de deux ou trois grandes façons de juger et de sen-