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Mais, justement, les jours de fête on ne travaille pas, et il est dur, ensuite, de s’y remettre. Puis, les lendemains de rêve sont dangereux. On se heurte de nouveau à la réalité, on la trouve plus rude qu’auparavant, et l’on s’irrite… Et il arrive ainsi qu’en exaltant notre espoir, mais sans nous apporter plus de vertu, la fête de la paix sème en nous des germes de guerre. Rappelons-nous ce qui suivit la délicieuse et sublime fête de la Fédération de 1790, et soyons les gardiens vigilants de nos propres coeurs.

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                                       Paris, 10 novembre.

Je me suis trouvé par hasard à ce dîner du Journal des Débats où M. Léon Say a dit de si bonnes choses.

C’est la première fois que je l’entendais parler. Son éloquence est très particulière. Elle est uniquement faite de clarté et de placidité. J’imagine que, auprès de M. Say, Thiers était un pur lyrique et que Dufaure semblait pindariser. C’est une causerie lente et posée ; le ton est modeste et uni, le geste rare ; le mouvement n’est que dans les idées. À peine, çà et là, une inflexion imperceptiblement railleuse. Rien de moins oratoire, mais rien de plus persuasif ni qui inspire plus de confiance… Il faut ajouter qu’un nom illustre, une très grande fortune, un long et brillant passé politique, — ce