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                 Paris, 26 octobre.

J’arrive de Bruxelles, où je crois avoir vu un homme heureux, et qui mérite de l’être. Comme l’une et l’autre chose sont fort rares, et comme la réunion des deux est un hasard absolument merveilleux et extravagant, je vous fais part tout de suite de ma découverte.

C’est de M. le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul, le scrupuleux auteur de l’Histoire des œuvres de Théophile Gautier, que j’entends vous parler. Il est, selon toute apparence, l’homme du monde qui possède la plus belle et la plus riche collection de manuscrits autographes des grands écrivains contemporains. Et la plupart de ces manuscrits sont inédits. J’ai vu, j’ai touché, avec respect, avec émotion. Et ce ne sont pas de maigres portefeuilles courant l’un après l’autre ; ce sont, dans une vaste bibliothèque si bien disposée pour l’étude qu’on y voudrait vivre et mourir, des manuscrits à pleins cartons, et des cartons à pleines caisses ou à pleins casiers.

Il y a là, entre autres curiosités sans prix, un Cromwell en cinq actes et en vers, écrit par Balzac à vingt-quatre ans, une comédie du même en cinq actes et en prose, plusieurs nouvelles, des commencements de romans, des brassées de lettres à la