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sympathie pour un homme de qui devaient vous détourner, semble-t-il, votre grande distinction morale et votre extrême raffinement intellectuel. Je ne croyais pas non plus, quand j’ai lu vos premiers écrits, que la politique pût jamais tenter un artiste aussi délicat et aussi dédaigneux que vous. Mais, en y réfléchissant, je vois que vous êtes parfaitement logique. Vous rêviez, dans votre Homme libre, la vie d’action, qui vous permettrait de faire sur les autres et sur vous un plus grand nombre d’expériences et, par là, de multiplier vos plaisirs. Vous avez pris, pour y arriver, la voie la plus rapide. Peut-être, d’ailleurs, éprouviez-vous déjà ce « besoin de déconsidération » que vous louez si fort dans votre méditation ignatienne sur Benjamin Constant.

Votre aventure n’est point commune. Je ne prétends pas qu’il n’y ait jamais eu que des illettrés dans les Chambres françaises. Mais ce sera assurément la première fois qu’on verra entrer au Parlement, et dans un âge aussi tendre, un député d’une littérature si spéciale et si ésotérique.

Et j’en suis bien aise, car il vous arrivera infailliblement de deux choses l’une :

Ou bien vous resterez ce que vous êtes : un humoriste quelquefois exquis. Après l’ironie écrite, vous pratiquerez l’ironie en action. Cela ne m’inquiète pas, car je suis sûr que vous saurez vous arrêter où il faut dans votre manie d’expériences, et que ce seront vos collègues, jamais votre pays, qui