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Profondément admirée des ouvriers et des petits bourgeois, elle représentait, au café-concert, la littérature morale et élevée.

Elle était parfaitement naïve. Du premier jour que je l’ai vue, j’ai eu l’impression que cette grande fille devait être sage, qu’elle nourrissait sa mère, soignait ses petits frères et repassait ses chansons en leur tricotant des bas… Je ne sais si elle faisait rien de tout cela. Mais plusieurs de ses camarades m’ont dit, depuis, que c’était une excellente et honnête créature. Je lui ai moi-même parlé une fois (c’est la grosse Demay qui m’avait présenté à elle), et j’ai été frappé de son air de candeur.

Dans un monde de pitres et de petites gourgandines, la bonne Amiati était à part. Elle était grave, se sentant une mission. Quand on ne chante que des choses sur la patrie, la gloire, la justice, la Révolution, quand on traduit tous les soirs, devant deux mille personnes, de si beaux sentiments, c’est bien le moins qu’on se respecte, n’est-ce pas ? Amiati fut la vestale populaire de la chanson patriotique. C’est évidemment son répertoire qui l’a sauvegardée, maintenue sérieuse et digne. Son cas n’est-il pas amusant et touchant ?

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                                       Paris, 5 octobre.

Depuis qu’il fait froid, un des endroits les plus solitaires de Paris, c’est assurément l’esplanade des