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reporter ajoute que vous lui avez dit : « Il n’y a rien de plus bête qu’un homme riche. Tous les hommes riches vivent bêtement. Eh bien ! je veux avoir vécu le plus artistement possible. »

Ce souci n’est pas d’une âme vulgaire. Oh ! que vous avez raison, monsieur, de croire que la profession d’homme très riche est difficile à exercer ! (Il n’y a peut-être que celle de pauvre qui présente encore plus de difficultés.)

Autrefois, cela allait tout seul. Les patriciens de l’ancienne Rome et aussi les seigneurs féodaux, rois sur leurs terres, vivaient « artistement » sans y songer. Aujourd’hui encore, les membres de l’aristocratie anglaise, dit-on, et peut-être, chez nous, quelques rares héritiers de grandes fortunes territoriales savent être riches avec aisance et noblesse. « C’est de naissance », comme dit l’amiral suisse.

Mais, quand on a gagné sa fortune dans l’industrie ou la finance, ou quand cette fortune ne remonte qu’à une ou deux générations, c’est autre chose. Pour peu qu’on ait une vingtaine de millions, on ne sait vraiment plus qu’en faire dans nos démocraties.

Donc, on s’ingénie ; on achète un château historique en Normandie ou en Touraine, et un hôtel au parc Monceau ; on fait construire un chalet à Dieppe et un autre à Menton. Et l’on a trente ou quarante domestiques. Qu’est-ce que c’est que cela ? Les Romains vraiment riches en avaient deux ou trois mille.