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Ne jurerait-on pas un sixain de Musset qui aurait perdu en route un de ses vers ? Mouvement, expression, tournure, rimes et le je ne sais quoi, l’accent, le timbre, tout y est… Cela doit être dans Namouna, ou plutôt dans quelque pièce un peu oubliée des premières poésies. C’est bien votre impression, n’est-ce pas ? — Or, ces vers sont tout bonnement de La Fontaine, et vous les trouverez dans le Berger et le Roi, au 10e livre des Fables.

Je vous chercherai, si vous voulez, d’autres exemples. On peut faire avec cela un petit jeu innocent et pédant pour les soirées d’hiver à la campagne.

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                                       Paris, 18 septembre.

Jean-Paul Mounet faisait hier ses seconds débuts (je crois) à la Comédie-Française, dans le rôle de Jean Baudry. L’autre Mounet, dans la salle, couvait des yeux son cadet et frissonnait d’admiration et d’orgueil. Car les Mounet sont ainsi : chacun d’eux est persuadé que son frère est le plus grand artiste dramatique de tous les temps. Mounet-Sully, chargé de gloire, vous dit tranquillement de Jean-Paul : « C’est lui qui a du génie. » Et, comme il est parfaitement sincère, cela est touchant.

Ils sont beaux et ils sont bons, ces deux Mounet. Musclés comme les deux Ajax (ceux d’Homère) : des jambes ! des bras ! des torses ! Ce sont des gars !