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alors elle ne serait plus du tout romanesque. Elle ne proposerait plus à Rodolphe de s’en aller au bout du monde ; elle ne ferait pas, toutes les semaines, des heures de diligence pour un petit clerc de notaire. Elle trouverait autre chose, — peut-être au casino d’Étretat. Et elle ne s’empoisonnerait pas ; ou, si cette idée d’un autre âge lui venait, elle le ferait avec de la morphine, non avec de l’arsenic, — ce poison canaille. Tout a marché, ma cousine.

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                                       X…-sur-Mer, 16 septembre.

Les Romains, ma cousine, qui étaient gens experts dans l’art de vivre, n’avaient peut-être pas inventé tout à fait les casinos ; mais ils ne manquaient point de passer la saison d’été au bord de la Méditerranée, dans leurs villas de Baïes et de Tarente ; ils aimaient comme nous à se retrouver et à converser sur les plages, et ils y faisaient venir, pour se distraire, des histrions et des joueuses de flûte. Il ne faut donc pas dire trop de mal des bains de mer. La vie y est douce et élégante, et c’est, en somme, une ingénieuse combinaison des plaisirs de la société polie et de ceux de la campagne, avec plus de variété et de liberté que n’en offre la « vie de château »…

Je veux maintenant vous dire une petite histoire vraie : c’est son seul mérite. Nous faisions hier une grande promenade le long de la mer. Nous avions