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derniers, à l’horizon, bleus, violets ou couleur de fumée. Et je songeais avec un peu d’étonnement que ce pays élyséen était pourtant celui des contes de Maupassant, le pays de Maît’Omont ou de Maît’Hauchecorne, et que, par des champs semblables à ceux-là, Emma Bovary, il y a quelque quarante ans, courait à ses rendez-vous chez Rodolphe de la Huchette…

Puis, voici Étretat, entre les deux portes de sa falaise, qui donnent l’impression, même par les plus lourdes chaleurs, qu’on est rafraîchi par un courant d’air ; Étretat avec sa plage de galets, où l’eau est si limpide, d’un vert délicat et tout pénétré de lumière ; station bonne enfant, jadis chère aux « artisses » et aux hommes de lettres, et où s’avoisinent aujourd’hui, sans se mêler, deux sociétés bien tranchées : ici la bande parisienne, un peu bohème, et qui s’amuse ; là, des familles de pasteurs protestants comme s’il en pleuvait.

Vu au casino quelques frimousses éminemment modernes. L’image d’Emma Bovary me revient. Pauvre petite femme, si naïve en somme, qui croyait, chaque fois qu’elle aimait, à l’éternité de son amour, et qui mourut parce qu’elle avait des dettes ! Aujourd’hui la femme du médecin d’Yonville viendrait sûrement passer la saison à Étretat. Elle aurait lu les livres brutaux ou ironiques des quinze dernières années ; elle aurait lu les contes de son compatriote Maupassant et, naturellement, Madame Bovary ; et