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ma cousine, si nous revenions ou si nous faisions semblant de revenir, par satiété (et en prenant le plus long), à cette incuriosité des yeux, qui d’ailleurs n’excluait pas le plaisir, et dont s’accommodaient si bien nos pères avant Bernardin et Chateaubriand, ces deux agités ; si nous renoncions à ce qu’il y a d’insincérité, de snobisme et de rhétorique apprise dans ce que nous appelons notre « sens du pittoresque », et si, par suite, nous devenions plus attentifs aux âmes, j’entends aux âmes de chez nous, qui sont souvent si curieuses…, croyez-vous que l’exoticaillerie de l’Exposition nous aurait rendu un si mauvais service ?

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                                       Étretat, 12 septembre.

Ma cousine, il me serait tout à fait impossible de vous dire quelle était la douceur du ciel de septembre hier soir, vers six heures, entre les Ifs et Étretat. Les talus des chemins étaient de velours ; les vaches immobiles qui nous regardaient passer nous conseillaient, par leur exemple, la paix de l’âme ; et la plaine aux larges ondulations se déroulait avec une sérénité divine. À vingt plans différents se déployaient, comme des décors dressés dans tous les sens, des rideaux de hêtres et de peupliers graduellement décolorés par la distance : les premiers, d’un vert généreux et dru ; les