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Montrésor, où il continue le même train de vie insipide et inutile. Parfois, lorsqu’il se regarde dans un miroir, et qu’il voit se refléter dans la glace cette figure ridée et vieillotte, ce dos voûté, ces yeux ternes et ces lèvres chagrines, il a peine lui-même à reconnaître dans ce personnage desséché et décrépit le Séverin d’autrefois, — le svelte jouvenceau exalté, tendre et romanesque, qui marchait d’un pas si allègre sous les acacias en fleur de la rue du Baile, et qu’on avait surnommé à Juvigny « l’amoureux de la préfète ».

Telle est cette simple histoire, moins belle, mais plus mélancolique que celle de Fortunio, qui du moins fut aimé de celle pour qui il avait voulu mourir.

Je ne vous cacherai point cependant que M. André Theuriet a écrit des romans plus parfaits, plus riches en peintures humaines et en descriptions rustiques, que l’Amoureux de la préfète. J’aurais mieux aimé que ce fût Péché mortel ou Amour d’automne qui me fournît l’occasion de vous parler un peu de ce sincère et cordial écrivain. Mais, qu’importe, après tout ? En lisant son dernier livre, je me ressouviens confusément des autres. Son œuvre entière m’apparaît comme un vaste morceau de campagne, avec des rivières entre des pentes boisées, des forêts de sapins, des vergers, des fermes, des villages et les ruelles montantes de quelque vieille petite ville… Et je me dis : « Qu’il y fait bon ! »

Je ne sais pas s’il n’y aurait point par hasard de plus savants artistes que M. Theuriet, mais je sais