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  Aux pentes de l’Othrys l’ombre est plus longue. Reste,
  Reste avec moi, cher hôte envoyé par les dieux.

  Tandis que tu boiras un lait fumant, tes yeux
  Contempleront, du seuil de ma cabane agreste,
  Des cimes de l’Olympe aux neiges du Thympreste,
  La riche Thessalie et ses monts glorieux.

  Vois la mer et l’Eubée et, rouge au crépuscule,
  Le Callidrome sombre et l’OEta, dont Hercule
  Fit son bûcher suprême et son premier autel ;

  Et là-bas, à travers la lumineuse gaze,
  Le Parnasse où, le soir, las d’un vol immortel,
  Se pose, et d’où s’envole, à l’aurore, Pégase !

Il est certain que, si vous écriviez Otris, Timpreste, Olimpe, Eta, Tessalie, ce ne serait plus cela, mais plus du tout ! — J’espère que ce sonnet somptueux vous plaira, ma cousine. Vous goûterez la belle rareté des rimes en reste. Vous apprécierez la coupe du troisième vers qui peint si bien l’allongement de l’ombre par l’allongement du rythme jusqu’à la onzième syllabe, et vous admirerez par quel art d’interrompre le rythme et de le reprendre, de le ralentir et de le précipiter, les deux derniers vers expriment à l’oreille la légèreté du cheval divin quand il s’arrête, et l’aisance sereine de son élan quand il repart. Enfin, vous aimerez la beauté des mots, doublée par la place qu’ils occupent, leur sonorité, leur éclat, l’air de gloire et d’allégresse héroïque répandu sur ces alexandrins si savants. Ce sonnet, c’est de l’antique flamboyant.