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Nadaud en fut profondément affligé. Lamartine, l’ayant appris, lui écrivit une longue lettre pour lui expliquer comment la chose s’était faite, que ce n’avait été qu’une plaisanterie inoffensive, et que « du premier au dernier, les vers cités n’étaient pas les siens ».

Je ne sais si Lamartine disait vrai (car sa mémoire était sujette à des défaillances). Mais l’inexactitude du souvenir était ici charité ; et, d’ailleurs, le sentiment de toute la lettre était d’un cœur très bon et très délicat. Je ne puis m’empêcher d’en copier pour vous les dernières lignes.

«… Quoi qu’il en soit, j’ai eu tort, puisque j’ai eu le malheur d’être l’occasion pour vous de la moindre peine ; je m’en frappe la poitrine comme d’une mauvaise action, et même comme d’une ingratitude, puisque vous m’aimiez et que je vous honore dans mon cœur. Je vous supplie de tout oublier et de ne pas punir, par la perte très sérieuse et très douloureuse d’un ami, la seule mauvaise plaisanterie que je me sois permise dans ma vie.

« P.-S. — Si mon repentir vous touche, je désire que vous puissiez le faire connaître à ceux qui vous aiment. »

Ne trouvez-vous point, ma cousine, qu’il y a là une sincérité de regret, une façon simple et franche de s’accuser et de demander pardon, qui est d’une âme vraiment noble et profondément humaine ? C’est là un de ces petits traits qui vous renseignent sur un