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dre, par des menaces, à devenir sa maîtresse. Séverin surprend leur entretien ; et, comme rien ne saurait diminuer sa passion (qu’importe ce qu’elle a fait, puisqu’il l’aime ?), il se propose comme champion à la dame de ses pensées, qui, après quelques façons, l’envoie avec sérénité à une mort possible. Il va donc provoquer Peyrehorade dans un café et ne réussit qu’à se couvrir de ridicule. Alors il va guetter son ennemi au bord d’un canal, le provoque de nouveau et, comme il refuse de se battre, le fait, d’un vigoureux coup de poing, rouler dans l’eau profonde. Il s’y jette après lui pour l’en retirer. Mais il n’est sauvé lui-même qu’à grand’peine. Conséquence : une fièvre cérébrale. Au moment où il commence à aller mieux, Mme la préfète entre dans sa chambre, lui dit : « Grand merci », et lui annonce qu’elle part pour un voyage de quelques semaines. Elle ne reparaît plus, son mari ayant été nommé secrétaire général dans quelque ministère ; mais, pour témoigner sa reconnaissance à son sauveur, elle lui fait donner une bonne perception, — au milieu des bois. On l’y oublie ; il s’y abrutit lentement, et reste garçon.

« Ainsi les années se succédèrent, oisives, ennuyées, monotones. L’âge venait, les cheveux noirs de Séverin grisonnaient, son imagination se stérilisait, et son esprit, autrefois si vif, s’atrophiait. Il n’entendait plus parler de Mme de Grandclos, et il ne s’en attristait plus…

« Maintenant il est vieux, il a pris sa retraite, et, encore que

rien ne le retienne plus en Touraine, il n’a pas quitté