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Dame ! ce qu’on jouait là n’avait aucun rapport avec les pièces du Théâtre-Libre, sinon peut-être une aimable gaucherie de composition. Ces morceaux dramatiques étaient, je pense, l’œuvre de quelque digne abbé ou de quelque vertueuse demoiselle. Je me rappelle un drame qui avait pour titre le Sorcier du Village ou le Vol et le mensonge découverts. L’action se passait chez un marquis. (Pourquoi un marquis ? — Parce que cela est distingué.) Un valet de chambre, en serrant dans la table de jeu les jetons d’argent (nous sommes dans le plus grand monde), s’aperçoit que le compte n’y est pas. Or, les enfants du marquis et leurs petits camarades se sont, le jour même, amusés avec ces jetons. Quel est le voleur ? Pour le découvrir, le marquis s’adresse au père Robert, qui est une manière de sorcier. Le père Robert apporte un coq dans un panier et dit aux enfants :

— Chacun de vous va caresser mon coq ; vous entendrez le tapage qu’il fera quand il sera touché par le voleur !

J’aime mieux vous dire tout de suite, ma cousine, que ce coq est tout barbouillé de suie. Les innocents lui passent de bonne foi la main sur le dos ; mais le coupable fait semblant, et ce sont ses mains restées propres qui le dénoncent. Je trouvais cela très spirituel et très comique vers l’an 1860.

Le voleur s’appelait Marc d’Orgeville ! Je m’en souviens, car c’était moi ; et j’étais fier de porter un si joli nom, mais désolé de jouer un si vilain person-