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                                       G…, 21 août.

J’ai pu, par faveur spéciale, assister l’autre jour à la distribution des prix de notre école des garçons. La chose se fait à huis clos ; c’est une cérémonie extrêmement austère. Pas d’autres invités que le maire et moi. Rapidement et sans préambule, l’instituteur a appelé les élèves et remis à chacun son prix. La plupart de ces enfants n’avaient seulement pas mis leurs habits des dimanches. Le maire n’a pas ouvert la bouche, ni moi non plus. Point de discours ni de flonflons, point de vain appareil ni de futiles divertissements. Une simplicité spartiate. Je vous réponds qu’on les traite comme des hommes, les pauvres petits enfants de la République !

De mon temps, ma cousine… (c’est étonnant comme, à la campagne, je deviens laudator temporis acti), de mon temps, la distribution des prix était une fête pour tout le village. Non seulement la cérémonie était publique, mais elle était tout à fait brillante et fastueuse. On chantait des chœurs et des chansons, on récitait des fables et des poésies, on représentait des drames. Il y avait un vrai théâtre : un plancher sur des barriques, des « poinçons », comme on dit ici, et ce théâtre était décoré de tapis, de rideaux de lit, et de guirlandes, et d’écussons. Moi qui vous parle, j’y ai plusieurs fois joué la comédie.