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je conçois clairement un genre de vie absolument différent de celui que je mène huit ou dix mois de l’année. Je m’aperçois que des choses qui passionnent là-bas nos politiciens n’intéressent en aucune façon mes voisins les paysans ; je songe qu’ils sont comme cela vingt-cinq millions en France,… et alors j’apprécie mieux, pour ses artifices stupéfiants, la beauté du régime parlementaire. Puis, je constate que je vis, et fort bien, d’une vie purement rustique, n’usant que sobrement du chemin de fer, du télégraphe, même de la poste (encore pourrais-je m’en passer) ; et sans doute je ne cesse pas pour cela d’admirer les prodiges de notre civilisation industrielle : mais, comme je sais aussi ce qu’elle coûte, je me demande si nous ne sommes pas en train de faire fausse route et si les plus sûres conditions du bonheur pour l’humanité ne se trouveraient pas dans une civilisation presque uniquement agricole et rurale. Je songe à ce qu’est la pauvreté à Paris. Certes, la misère existe à la campagne ; mais les pauvres y ont le grand air, l’espace, du pain toujours, du bois ramassé l’hiver…

Je dois à la campagne d’autres enseignements. Il serait bien difficile de nourrir ici un amour-propre littéraire démesuré. Le nom du père Dumas et celui de Victor Hugo y sont connus de quelques-uns ; c’est tout. Peut-être le nom de M. Émile Richebourg n’y est-il pas tout à fait ignoré, à cause des feuilletons du Petit Journal. Encore je ne sais, car ceux qui les