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13 août.

MA COUSINE,

La saison est venue où les bourgeois de Paris se répandent dans les villas, chalets, pavillons et cottages, — et le plus grand nombre dans les hôtels, — autour des casinos. Ils appellent cela être en villégiature. Mais c’est la ville à la campagne ou au bord de la mer : ce n’est point la campagne.

D’autres voyagent. Ils prennent des trains ; ils transportent avec eux des colis : ils traversent des pays qu’ils n’ont jamais vus ou qu’ils ont oubliés, et qu’ils ne reverront guère. C’est un plaisir sans doute : ce n’est point le repos.

À mesure que je vieillis, ma cousine, je trouve que c’est un avantage d’un prix inestimable que d’avoir quelque part un village à soi, un village où l’on a passé son enfance et où l’on n’a jamais cessé de faire, tous les ans, de longs séjours ; où la figure de la terre vous est connue dans ses moindres détails, vous est familière et amie. Le peu que j’ai de sagesse, de douceur d’âme et de modération, je le dois à ceci, qu’avant d’être un homme de lettres (hélas !) qui exerce son métier à Paris, je suis un paysan qui a son clocher, sa maison et sa prairie. Car, dans ces conditions-là, la campagne c’est vraiment le refuge