Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/281

Cette page n’a pas encore été corrigée

Encore a-t-il trouvé, j’en ai peur, que les danseuses étaient trop loin de lui, et que leurs mouvements étaient trop rapides. Il y avait de l’impatience et du découragement dans la façon dont il manoeuvrait sa lorgnette. Quant aux scènes chantées… d’abord, il n’y a rien compris (moi non plus, du reste) ; puis je crains bien que les personnages, le roi trop petit, la Chimène trop grande, le Rodrigue trop gras, criant et gesticulant avec fureur sur le bord de la scène, ne lui aient paru absolument ridicules. J’imagine qu’ils ont produit sur lui (avec moins d’horreur peut-être et plus d’ennui) le même effet que les acteurs annamites ont produit sur moi l’autre jour.

Si le shah m’avait fait l’honneur de me prendre pour guide, je l’aurais conduit à l’Eden et aux Folies-Bergère ; au café-concert, pour y entendre Paulus ; au bal de l’Élysée-Montmartre, aux Halles à quatre heures du matin, etc. Je l’aurais fait dîner au café Anglais, au bouillon Duval, et chez trois ou quatre de mes amis, de conditions sociales différentes… Mais il s’en ira, comme les autres fois, n’ayant vu de Paris qu’un vain décor. Sa présence officielle suffit à altérer profondément le caractère des spectacles auxquels il assiste. Si on nous lâchait huit jours dans Téhéran, nous connaîtrions mieux Téhéran que le shah ne connaît Paris après trois voyages. Plaignons les rois, ma cousine. Ils n’ont qu’une vision du monde arrangée, et les choses ne sont pas sincères pour eux.

                                      G…,