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défiler son innombrable armée, se mettait à pleurer en songeant que pas un de ces hommes ne vivrait dans cent ans. Vous avez déjà pris sur nous, principalement sur l’extérieur de notre vie et sur les commodités de notre civilisation, des notes remarquables de précision et de netteté. Je voudrais que vous fissiez effort, cette fois, pour pénétrer, s’il se pouvait, jusqu’à notre âme, et pour la comparer à celle des autres peuples que vous venez de voir. Je serais curieux de savoir si, dans votre esprit, nous perdrions à la comparaison. Je vous prie seulement de ne pas trop vous arrêter à notre état politique et de ne pas nous juger sur ce que vous pourrez en apercevoir. Nous sommes, voyez-vous, dans une période de transition — comme toujours, d’ailleurs.

Pendant que vous vous instruirez ici, nous ne ferions peut-être pas mal d’envoyer en Perse quelques-uns de nos politiciens. Vous emporterez de chez nous des lampes nouveau modèle, des téléphones et des articles de Paris. Peut-être qu’ils apprendraient là-bas l’amour du repos, le dégoût des vaines agitations, et qu’à leur retour ils sauraient mettre, dans la conduite des affaires et le gouvernement des hommes, un peu de la sérénité, de la bonhomie, de la sagesse ferme, mais détachée et souriante, des bons vizirs de vos légendes. Si cet échange se pouvait faire, c’est nous, sire, qui vous serions redevables.