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lectuelle était incontestée dans toute l’Europe. Votre aïeule Catherine nous admira et nous aima. Elle fut charmante pour nos hommes de lettres.

Aujourd’hui la Russie est à la veille d’être le plus puissant empire du monde. Et il se trouve que c’est nous, maintenant, qui subissons l’influence du génie de votre race. C’est notre vieille littérature qui demande des leçons à la vôtre, et c’est nous qui vous aimons.

La Russie est étrangement à la mode chez nous. On fourre jusque dans les chansons de cafés-concerts des couplets russophiles que la foule applaudit violemment. Et certes cette sympathie bruyante des badauds parisiens pour la Russie monarchique et mystique fait un peu sourire ; mais n’est-ce pas touchant aussi cette coquetterie naïve, et si mal informée, d’un pauvre peuple que presque tous ses voisins détestent et qui, dans sa détresse morale, se met à aimer, même sans les connaître beaucoup, ceux qui du moins ne le haïssent pas ? Si j’étais le tsar, j’en serais tout attendri. Et je vous assure que cette sympathie ne vient pas uniquement d’une communauté d’intérêts ou de haines. Il y a autre chose malgré tout, un lien d’âmes que vous expliquera M. de Vogüé.

Si donc vous venez, sire, ah ! je vous promets une belle entrée à Paris et des acclamations comme vous n’en aurez pas souvent entendues !

Mais vous ne viendrez pas, quoique vous en ayez peut-être envie au fond. C’est bien dommage.

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