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ruraux et des filles nobles vivant d’une vie campagnarde ; et M. Émile Pouvillon, des paysans à demi conscients, tout pareils à leurs bêtes et comme absorbés et fondus dans la nature environnante. Mais M. André Theuriet est assurément le meilleur peintre, le plus exact et le plus cordial à la fois, de la petite bourgeoisie française, mi-citadine et mi-paysanne ; et, comme cette classe sociale est la force même de la nation, comme elle lui est une réserve immense et silencieuse d’énergie et de vertu, les romans si simples de l’auteur des Deux Barbeaux deviennent par là très intéressants ; ils prennent un sens et une portée ; peu s’en faut qu’ils ne me soient vénérables. Oh ! la sainte économie de nos mères, leurs prodiges de ménagères industrieuses, et l’étroitesse sévère du foyer domestique ! C’est cette parcimonie même qui donnait tant de ragoût aux moindres semblants de vie plus aisée, aux petites douceurs exceptionnelles, aux crêpes du carnaval, aux cadeaux modestes du premier de l’an, aux deux sous des jours d’« assemblée » ! Et cette parcimonie avait sa noblesse : car elle n’était, après tout, que l’expression d’un désir et d’un besoin de dignité extérieure. Que dis-je ? Elle avait toute la beauté du sacrifice désintéressé : car cette vie n’était si étroitement ordonnée que pour permettre au fils, à l’héritier, de connaître un jour une forme supérieure et plus élégante de la vie. C’est la condition même de l’ascension des humbles familles. Et plus tard, sans doute, les enfants venus