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d’admirer répandent des ruisseaux de sueur ; leur fard coule, et leurs perruques pendent, défrisées… Cela n’empêche point quelques-unes d’entre elles de répéter des jetés-battus devant les glaces de leurs loges ou des petits foyers. Elles ont le diable au corps. Presque toutes dansent pour leur plaisir, dansent avec fureur. La danse est leur vie et leur tout. On ne peut faire un pas sans marcher sur des petites filles qui « piochent » des entre-chats. Car il faut, dans ce métier-là, commencer de bonne heure et travailler tous les jours. Il faut entretenir ses jambes comme un pianiste entretient ses doigts. Être danseuse, cela prend la vie aussi complètement que d’être littérateur, plus que d’être commerçant. J’ai vu clairement, en traversant cette ruche italienne, que l’« art de Terpsichore » est un métier de chien, et d’autant plus passionnant.

L’Eden a repris, comme vous savez, ce ballet d’Excelsior, qui eut tant de succès il y a quelques années. C’est à coup sûr une idée extraordinaire que d’avoir voulu exprimer par des mouvements de jambes la victoire du Progrès sur l’Obscurantisme et de M. Homais sur les fils de Loyola. Mais qu’importe ? Ce ballet exprime tout aussi bien, si l’on veut, Apollon vainqueur de Typhon, ou Ormuz d’Arimann. Il est, d’ailleurs, énorme et somptueux ; il tient de la féerie et de la manoeuvre militaire. On m’a dit qu’il était classique en Italie et que, lorsqu’on y va racoler des danseuses, toutes, sans exception, vous récitent d’a-