Page:Lemaître - Les Contemporains, sér5, 1898.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

des hommes qui sont des rois, des dieux, des héros, des magiciens, des troubadours, des chevaliers ou des ondins ; et des gamines de dix à douze ans, qui représentent les Amours, maillots roses, frimousses innocentes et maquillées — déjà ! — sous la perruque d’étoupe, de petits arcs couverts de papier doré… Étrange, dans ce coin de grenier, cette avalanche lumineuse de créatures surnaturelles.

Quand je dis surnaturelles… il ne faut peut-être pas les voir de trop près : la plupart de ces danseuses transalpines sont courtaudes et basses sur jambes ; beaucoup sont d’une médiocre beauté, et, comme vous pensez bien, leurs oripeaux sont d’une soie douteuse et d’un or imité. Mais, si l’on passe des coulisses dans la salle, leurs jambes s’allongent comme par miracle ; leur sourire, ce sourire impersonnel et blanc de ballerines, les fait toutes jolies, et elles apparaissent vêtues de brocart et de pierres précieuses. Et tous ces corps brefs semblent élégants, sans doute parce que, de ces innombrables formes féminines, qui se meuvent parallèlement et dont les défauts se compensent, l’œil extrait involontairement une forme moyenne, qui a des chances d’être à peu près parfaite. Joignez que la lumière de la rampe affine les contours qu’elle dévore, et ne laisse voir, des visages, que les bouches sanglantes et les yeux luisants.

De nouveau, je passe de l’autre côté des décors. Les exquises et fantastiques créatures que je viens