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                                       Paris, 18 juillet.

MA COUSINE,

J’ai pu hier soir, par le hasard d’une rencontre, pénétrer dans les coulisses de l’Eden-Théâtre. Les coulisses du théâtre ! aller dans les coulisses ! Il semble à beaucoup de provinciaux, et de Parisiens aussi, que ce soit un privilège tout à fait enviable et qu’on y voie des choses… mais des choses !… Je n’y ai rien vu que de fort honnête, ma cousine ; mais il est certain que le spectacle est bizarre et amusant, surtout à l’Eden, où la troupe et la figuration sont plus nombreuses que dans n’importe quel autre théâtre.

On se promène entre les hauts châssis comme dans des défilés de montagnes, sur un plancher peu sûr, abondant en trappes, dans une lumière blafarde, fausse, indéfinissable, qui vient on ne sait d’où. On est dans le royaume de l’artificiel et de la poussière. Je me rappelle, dans un coin, un escalier sombre, — oh ! fort modeste, — étroit avec des marches en bois, poudreuses et grises. Mais cet escalier est l’échelle de Jacob ou la descente de l’Olympe. Interminablement on en voit dégringoler, pêle-mêle, des femmes qui sont des fées, des déesses, des bergères, des nymphes, des amazones, des nixes ou des anges ;