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nègre, un amour de petit village nègre, où personne ne va et où j’ai pu visiter tranquillement mes frères noirs.

Ils ne sont pas laids du tout, la peau d’un grain serré, d’un beau noir de bronze florentin, les mouvements souples et nobles. Ce qu’ils savent suffit à orner leur vie, à la rendre commode et gaie. On les voit tresser des nattes et toutes sortes d’objets en paille ou en jonc, tisser des étoffes solides et diversement colorées, forger le fer, ciseler des anneaux et des bracelets d’or et d’argent. Pendant ce temps-là, les femmes, l’air innocent et modeste, préparent le dîner. Une d’elles jette dans une marmite de terre, où chauffe de la graisse, des poignées de farine dont ses mains noires et ses bras restent tout poudrés : elle fait un roux. Il y a là une fillette de douze ans, Mlle Dédé, qui est une petite merveille de gentillesse noire.

Le monsieur qui a fait venir du Gabon ces nègres délicieux me conduit obligeamment au premier étage d’une baraque en planches, où sont leurs dortoirs. Là, je vois une négresse allaitant un négrillon de huit jours, encore presque blanc, joli comme un ange, très éveillé déjà. Un matin, à dix heures et demie, elle a été prise des premières douleurs : une heure après, elle était accouchée et, à une heure et demie, elle redescendait dans la cour comme si de rien n’était.

Les corps de ces excellents nègres fonctionnent aussi aisément que ceux des animaux. Il est certain