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gile, et, depuis quelques années, vous ne pouvez plus écrire une page sans nous parler d’éveil moral et de rénovation. Vous exercez une fonction parmi nous : vous êtes celui qui dit qu’il faut aimer et qu’il faut croire.

Or, je vous confesserai mon embarras. J’entends bien que nous devons aimer les hommes ; mais que faut-il croire ? Il est nécessaire que nous le sachions pour que notre amour soit efficace, pour qu’il soit autre chose qu’une pitié inerte et une indulgence détachée… Ce qu’il faut croire, c’est apparemment ce que vous croyez. Si donc je l’osais, je vous dirais :

— Vous-même, monsieur, à quoi croyez-vous ? Il ne me paraît pas que vous nous l’ayez jamais dit avec précision. Or, la foi doit être précise. Une foi vague ne se conçoit même pas.

Êtes-vous catholique ? j’entends catholique pratiquant (je ne saurais l’entendre d’une autre façon). Ou bien êtes-vous déiste, comme l’étaient, au siècle dernier, la plupart des hommes qui ont fait la Révolution ? Croyez-vous à un Dieu personnel, à l’immortalité de l’âme, aux peines et aux récompenses après la mort ? Êtes-vous royaliste ? républicain ? socialiste ?… Bref, si je ne me retenais, j’aurais l’indiscrétion de vous demander votre credo. Peut-être nous l’avez-vous donné déjà, mais épars, flottant, pas assez grossier, si je puis dire. Je voudrais, lorsque je répète avec vous : « Croyons ! Soyons des