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ture composée de pieds de chèvre : comme il est banal ! comme il est négligeable ! je dirais presque : comme il est pâle, ce nègre !

Oh ! je ne conteste point l’authenticité de provenance de ces diverses exhibitions. Mais tout ce pauvre exotisme transporté hors de son cadre naturel devient grossièrement forain ou, qui pis est, tout à fait insignifiant. On trompe le public, on lui travestit et on lui rapetisse l’univers en lui laissant croire qu’une douzaine de baraques de la foire au pain d’épice peuvent contenir et reproduire aux yeux l’infinie variété de la face du monde. Et il sort de ces spectacles un peu plus mal renseigné que s’il n’avait rien vu.

Je dois dire pourtant que l’homme qui montre « des singes du Soudan et des serpents du désert libyen » n’est pas ennuyeux. C’est, paraît-il, « l’Arabe Gouma, psylle de la secte des Raffaï ». Je le croirais plutôt de celle des ruffians, car il a l’air d’un simple voyou du Caire. Il commande à son singe savant en tirant sur son collier, d’un coup rude et sec, et qui doit faire grand mal à la petite bête. Le singe fait les tours que font les singes, puis on lui livre un serpent, un pauvre diable de serpent, qu’il fait sauter en l’air et avec lequel il s’amuse. Mais où il n’a plus l’air de s’amuser, c’est quand le montreur lui enroule le reptile autour de la queue et l’oblige à marcher avec cet ornement. Ainsi l’homme torture le singe, le singe torture le serpent, et l’homme torture le singe avec le