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Une anecdote charmante, pour finir. Je l’emprunte à la Vie de saint Macaire d’Alexandrie :

« Une fois, on offrit à saint Macaire des raisins d’une grosseur et d’une beauté singulières. Le saint, voulant se mortifier, les envoya à un frère qui était malade. Celui-ci, par le même motif, les fit passer à un autre frère. Ces raisins parcoururent ainsi toutes les cellules du désert, jusqu’à ce qu’un religieux, ignorant qui les avait donnés le premier, les renvoyât à Macaire. Celui-ci, admirant la retenue de ses frères, en loua Dieu et dit : « Je n’y toucherai pas non plus. »

Vous trouverez, ma cousine, que mon billet manque étrangement d’ « actualité » ? C’est que, blotti dans l’herbe et dans les feuilles, je suis aussi loin de Paris que si je vivais dans la cellule de Macaire, au désert d’Égypte. Ce Macaire avait commencé par être confiseur et par « vendre des dragées » à Alexandrie. Ainsi j’ai essayé de vendre à mes contemporains de fades confiseries, telles que petits contes, petites chroniques, petits feuilletons et autres riens : et voilà que, retiré du monde comme Macaire, je sens présentement que tout est vain, hormis de regarder couler l’eau et de sommeiller à l’ombre. J’en suis, dis-je, persuadé pour quelques jours encore.

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