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Je feuillette le gros livre, en regrettant que ce ne soit qu’une pauvre réduction de l’immense et paradisiaque Légende dorée. Voici le pendant de l’histoire de Gudelaine. C’est celle de saint Gengoul, gentilhomme bourguignon du huitième siècle, qui fut assassiné par l’amant de sa femme. Le pieux hagiographe nous dit : « Étant parvenu à l’âge viril, Gengoul épousa une femme de non moindre qualité que lui, mais fort différente de mœurs ; ce que Notre-Seigneur permit afin que sa patience fût éprouvée. » Elle le fut. Et encore : « Il s’adonnait souvent à la chasse pour éviter l’oisiveté. » Cela paraît être un des plus beaux traits de sa vie.

Il y a là une quantité de saints et de saintes des temps mérovingiens et carlovingiens, qui meurent assassinés. Toutes ces « vies de saints » donnent l’idée d’une humanité extraordinairement naïve et beaucoup plus violente, semble-t-il, que ne fut jamais l’humanité latine ou grecque, même aux époques primitives.

De jolies fleurs d’ingénuité çà et là. Sainte Marie l’Égyptienne y est couramment appelée « la sainte pécheresse ». Je note cette phrase en passant : « Elle confessa à Zozime qu’elle avait passé vingt-sept ans en toutes sortes de lascivetés, non pour or ni pour argent, ou pour autre récompense que ce fût, mais pour satisfaire à sa sensualité. » Elle eût donc été moins criminelle, aux yeux du saint narrateur, si ses vices lui avaient rapporté quelque chose ?