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J’ai relevé, dans la préface, une phrase exquise : « L’année présente est la 1795e pour les peuples esclaves, c’est la troisième de la République française. Depuis 1564, par ordre d’un roi fanatique et cruel, Charles IX, l’année commençait au 1er janvier, onze jours après le solstice d’hiver, etc… » Il fallait, en effet, être bien cruel et bien fanatique pour faire commencer l’année ce jour-là !

Je feuillette ce vénérable almanach. Il n’y a pas à dire, les noms des mois sont délicieux, — et bien commodes pour les poètes, à qui ils fournissent de jolies rimes. C’est une joie que d’accoupler pluviôse et grandiose, idéal et floréal, chimère et brumaire, rayon d’or et messidor. Les noms de fleurs, de légumes et d’arbres, qui marquent chaque jour du mois, — avec un nom d’animal à chaque quintidi et, à chaque décadi, un nom d’instrument agricole — tout cela ne me déplaît pas non plus. Ce calendrier sent bon la terre et la vie rustique. Si, après le grand dérangement révolutionnaire, on n’avait plus rien dérangé, j’aurais ainsi daté ma lettre : « Sextidi 16 messidor » ; et ce serait aujourd’hui la fête du Tabac. (C’eût été hier celle du Chamois, et ce serait demain celle de la Groseille.) Cette manière de dater ne manquait point de grâce.

Pourtant, je préfère peut-être encore celle à laquelle nous sommes revenus, parce qu’elle nous rattache aux siècles passés et qu’elle marque chacune de nos fugitives journées de quelque souvenir des