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la dompteuse de puces, à qui j’avais pris l’an dernier une interview des plus instructives. Cette aimable fille aurait-elle été dévorée par ses pensionnaires ?

Heureusement, Marseille est toujours là, et Marseille continue d’être à la mode. Son public est, à peu de chose près, celui des mardis de la Comédie Française et des réceptions de l’Académie… On s’amuse d’autant plus qu’on finit par connaître intimement les artistes, « les hommes les plus forts du dix-neuvième siècle », comme dit l’enseigne : Monsieur Gaston, l’hercule en maillot noir, tout à fait distingué et sympathique, l’éternel Bamboula, et ce grand diable qui a si mauvais caractère et qui, lorsque les autres « travaillent », passe son temps à crier : « Il a touché ! » pour taquiner le public et animer la séance.

On se passionne, on crie : « Oui, oui ! — Non, non ! » Hier, comme le grand diable (j’ai oublié son nom) recommençait sa plaisanterie habituelle, Marseille, de son balcon, a réclamé le silence et a laissé tomber ces paroles : « Ici, y a que le public et moi qu’est juge ! »

Généralement, c’est pour « l’amateur », pour « l’homme du monde » que l’on prend parti, comme s’il était un des nôtres et comme s’il nous représentait, nous les profanes. Cette fois, l’homme du monde était sec comme un clou et noir comme une taupe ; il portait ces mots tatoués sur la poitrine : « République française », et un portrait de femme (quelque marquise !) sur un de ses biceps. Il glissait comme une